PME et ETI françaises : des modèles de croissance à réinventer

30 mai 2016

Les travaux de BPCE L’Observatoire montrent que la croissance en taille n’est plus une priorité absolue pour les dirigeants de PME et ETI. Ils privilégient souvent la pérennité via un choix de consolidation financière, au détriment de l’investissement. D’ailleurs, depuis plus d’une décennie, malgré un profond renouvellement interne, le parc est resté stable à la fois au total et par catégorie d’effectif. Au-delà d’une politique de la taille, certes justifiée mais aujourd’hui largement incantatoire, l’étude oriente la réflexion vers des politiques non discriminantes avec une double finalité : lever l’inhibition des dirigeants à investir et développer des écosystèmes entrepreneuriaux facilitant l’accès à l’internationalisation et le travail en réseau.

TOUT SE TRANSFORME MAIS RIEN NE CHANGE 

C’est l’un des paradoxes mis en lumière par les travaux démographiques de BPCE L’Observatoire : alors que les mouvements d’entrées et de sorties du parc de PME et ETI françaises ont été très importants, le nombre de PME et ETI, quant à lui, est resté incroyablement stable sur la décennie. Le stock n’a évolué que de 0,33 % par an entre 2003 et 2014. Ainsi, tous les trois ans, le parc s’enrichit de 20 % d’entités nouvelles (créations, transformations de TPE en PME) mais subit, dans le même temps, des pertes dans les mêmes proportions (passage de PME en TPE et disparitions). Des flux considérables qui concernent également le nombre d’entreprises changeant de catégorie de taille à l’intérieur même du périmètre : 23 % d’entre elles sont ainsi passées d’une classe d’effectif à une autre. Et pourtant, ce profond renouvellement n’a produit que peu d’effet sur le nombre total des PME et ETI françaises et sur la structure par taille du parc. Comme si le marché était circonscrit, sans élargissement possible par de nouveaux débouchés…

LA CONSOLIDATION FINANCIERE AU SERVICE D’UNE VOLONTE DE PERENNITE 

Cette inertie paradoxale tient probablement en partie au fait que l’écosystème des PME et ETI n’est pas orienté prioritairement vers la croissance quantitative. Face à la baisse de la rentabilité, et plus particulièrement face à la dégradation généralisée des taux de marge, les PME et ETI françaises optent, depuis plus de quinze ans, pour une stratégie de consolidation financière (qui se traduit par un renforcement des fonds propres et une réduction du levier d’endettement). Cette recherche d’une plus grande solidité des bilans s’est opérée au détriment de l’investissement et d’une stratégie d’expansion. « Cette préférence pour une stratégie d’autonomie financière semble cependant davantage inspirée par la fragilité durable des comptes d’exploitation que par les effets spécifiques de la crise », note Alain Tourdjman, directeur des études économiques du Groupe BPCE. Cette évolution fait écho à un changement de représentation chez les dirigeants : la croissance, toujours désirable a priori, n’est plus une finalité et ils privilégient une stratégie plus qualitative d’adaptation à un environnement incertain, assurant la compétitivité et in fine la survie.

AIDER LES JEUNES ENTREPRISES, ATTENTION A L’EFFET D’AUBAINE 

En revanche, l’objectif central des politiques industrielles reste focalisé sur la montée en taille des PME et ETI, notamment en référence à la puissance du modèle allemand, d’où la tendance à privilégier le soutien à des catégories spécifiques, notamment les jeunes entreprises en hypercroissance (Gazelles). Or, d’après les travaux de BPCE L’Observatoire, la croissance est un processus discontinu et particulièrement fragilisant au passage des seuils d’entreprise moyenne et d’ETI que les Gazelles ne sont pas beaucoup plus susceptibles d’atteindre que leurs consœurs. Il semblerait plus judicieux de mettre en place des politiques structurelles et non discriminantes. D’une part, faciliter la restauration des comptes des PME-ETI aidant à lever l’inhibition à investir des dirigeants devrait être plus efficace que de miser sur les entreprises les plus jeunes dont, statistiquement, la croissance naturelle se dissipe au seuil des 50 salariés. « Certains seuils sont économiquement difficiles à franchir car ils supposent d’accepter, au moins provisoirement, une réduction de la rentabilité économique, explique Alain Tourdjman. Il semblerait donc plus efficace de créer les conditions permettant aux entreprises de passer sereinement ces seuils stratégiques que de distribuer des aides à des entreprises naturellement en croissance », déclare-t-il. D’autre part, le développement d’écosystèmes entrepreneuriaux facilitant le travail en réseau et l’accès à l’internationalisation permettrait de lever la contrainte des économies d’échelle. Ces leviers de croissance sont beaucoup moins activés que l’innovation, plus largement appropriée par les PME, même si elles semblent sous-estimer les effets de la révolution numérique.

Méthodologie :

L’étude porte sur la période 2003-2014 et les catégories de taille des PME et ETI analysées sont les suivantes : 10-19, 20-49, 50-99, 100-249, 250-499 et 500-4999 salariés. Son périmètre couvre le secteur privé marchand hors secteurs agricole, financier et assurantiel.

Pour aller plus loin, http://www.observatoire.bpce.fr/

Vous trouverez sur ce site dédié aux travaux de BPCE L’Observatoire, l’ensemble de l’analyse en format PDF ainsi que des témoignages de dirigeants, des vidéos, des infographies …


À propos du Groupe BPCE

Le Groupe BPCE, deuxième groupe bancaire en France, s’appuie sur deux réseaux de banques commerciales coopératives, autonomes et complémentaires : celui des 18 Banques Populaires et celui des 17 Caisses d'Epargne. Dans le domaine du financement de l’immobilier, il s’appuie également sur le Crédit Foncier. Il est un acteur majeur de la banque de grande clientèle, de la gestion d’actifs et des services financiers avec Natixis. Le Groupe BPCE compte 35 millions de clients et bénéficie d’une large présence en France avec 8 000 agences, 108 000 collaborateurs et plus de 8,9 millions de sociétaires.

À propos de BPCE L’Observatoire

BPCE L’Observatoire a pour vocation d’apporter une contribution au débat public sur des sujets de société en relation avec notre coeur de clientèle. Son originalité est de croiser une approche économique et statistique avec une analyse comportementale (associer les variables quantitatives et qualitatives) afin de proposer un éclairage spécifique. Après une première édition dédiée au « nouvel âge des retraites », les comportements des Français face à l’allongement de la vie ont été approfondis dans la 3ème édition avec « Toute une vie : prévoir, aider, transmettre dans une société de longue vie ». Dans l’intervalle, le deuxième numéro dédié à la cession-transmission des PME a conduit à développer une méthodologie novatrice de ce phénomène qui fait aujourd’hui référence. Ces travaux sont réactualisés chaque année avec les « Carnets de BPCE L’Observatoire »

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