Etude - Défaillances d’entreprises en France : bilan à fin août 2025
Par José Bardaji, directeur Études et Prospective du Groupe BPCE,
José Correia, économiste-statisticien du Groupe BPCE,
Julien Laugier, économiste-statisticien du Groupe BPCE.
I. Conjoncture macroéconomique des entreprises
L’économie française fait face à une baisse de la demande…
La demande adressée à l’économie française, intérieure et extérieure, enregistre un coup de frein. Si elle a contribué à hauteur de 2 points de pourcentage (pp) à la croissance du PIB dans les années 2022 à 2024, elle enregistre en 2025 un très net ralentissement (−0,6 pp à l’issue du 2e trimestre). En particulier, cette baisse de la demande provient de la hausse quasi-ininterrompue du taux d’épargne des ménages qui s’établit, trimestre après trimestre, à des niveaux records (hors période covid). De ce fait, l’emploi salarié marchand non agricole est orienté à la baisse. Si la croissance résiste, cette évolution permet à la productivité de reprendre un rythme de progression à l’image de celui enregistré pré-années Covid. Enfin, le climat des affaires demeure dégradé pour l’ensemble des secteurs d’activité.
… qui se manifeste notamment par un besoin de financement des sociétés non financières
Dans cet environnement peu favorable, les sociétés non financières (SNF) voient leurs ratios économiques se dégrader. D’abord, en raison de cette activité peu allante, le taux de marge se replie du fait de salaires toujours dynamiques. Ensuite, le taux d’épargne des SNF se dégrade aussi, davantage encore en raison d’un alourdissement de la charge d’intérêt. Enfin et en corollaire, les entreprises enregistrent un besoin de financement sur le 1er semestre 2025 pour la première fois en deux ans en raison du coût de stockage qui pèse sur la trésorerie.
Les incertitudes politiques pourraient peser sur l’activité et reporter l’inflexion attendue du nombre de défaillances des entreprises
Pour la deuxième moitié de l’année, si l’activité devrait résister, le niveau d’incertitudes apparaît au plus haut en raison de l’instabilité politique et des tensions renouvelées au moment de l’adoption d’un budget pour l’économie française. Ce contexte est propice à remettre en cause les projets de développement, d’investissement ou d’embauches des entreprises.
II. Diagnostic des défaillances à fin août 2025
Le pic des défaillances d’entreprises est-il atteint ?
En 2025, le nombre de défaillances a continué de progresser et le seuil de 68 000 a été dépassé pour la première fois (à 68 400 en août en cumul sur 12 mois). L’année 2025 se caractérise également par une inflexion de leur volume. En effet, sur les 8 premiers mois de l’année, la hausse des défaillances a été ramenée à 3 % après des taux de croissance à deux chiffres au cours des deux années antérieures (+38 % en 2023 et +21 % en 2024).
Ces défaillances touchent principalement des entreprises de 3 à 10 ans d’ancienneté (52 %). Pour les PME-ETI, celle-ci est plus élevée : 41 % des entreprises défaillantes ont 16 ans et plus. Autre caractéristique, la hausse des défaillances est d’autant plus élevée que les entreprises sont de grande taille. Sur 10 ans, elles progressent de +6 % pour les microentreprises, de +50 % pour les PME et de +94 % pour les ETI.
Les emplois menacés sont désormais orientés à la baisse
En août 2025, 253 000 emplois sont menacés du fait des défaillances d’entreprises sur 12 mois, ce qui représente une baisse de 9 % par rapport à août 2024. Bien qu’en légère décroissance, ce nombre d’emplois menacés reste à un niveau élevé. Sur la période récente et en considérant l’année 2019 comme niveau de référence, le supplément d’emplois menacés au cours des trois dernières années est plus de deux fois supérieur (+137 %) aux moindres emplois menacés enregistrés sur la période 2020-2022.
Ici également, le nombre d’emplois menacés est fonction de la catégorie d’entreprise. Sur une période longue de 10 ans, ils progressent de +32 %. Pour les ETI, leur hausse est deux fois supérieure (+64 %, contre +11 % pour les très petites entreprises).
Enfin, les disparités sectorielles demeurent particulièrement importantes. La part des emplois menacés par les défaillances d’entreprises dans les secteurs de la construction et des transports et entreposage est élevée : 23 % alors qu’ils représentent 16 % des emplois totaux de l’économie française. A contrario, le commerce et les services aux entreprises sont moins touchés : 32 % des emplois menacés se trouvent dans ces deux secteurs tandis qu’ils représentent 40 % des emplois totaux de l’économie française.
En 2025, BPCE L’Observatoire prévoit 69 000 défaillances, soit une progression de +3 % par rapport à 2024. La prévision retenue en janvier est ainsi légèrement révisée à la hausse (+1 000 défaillances), compte tenu des derniers chiffres disponibles et des perspectives d’ici la fin de l’année. L’impact économique de ces défaillances devrait toutefois s’établir autour de 245 000 emplois menacés, soit un reflux de 7 % par rapport à 2024 où 2 grands groupes avaient fait défaut. Aussi, les perspectives d’activité demeurent fragiles pour les TPE et les PME dans les prochains mois, pénalisées par la consommation des ménages qui reste atone, par l’investissement qui recule, et par l’incertitude politique et budgétaire qui ajoute une inconnue complexifiant l’équation financière des dirigeants d’entreprise. De surcroît, l’allongement des délais de paiements, le renchérissement du coût du crédit et les remboursements de la dette covid (y compris les PGE) pèsent sur l’équilibre financier des entreprises. Selon BPI France, environ 4 % des dirigeants encore en phase de remboursement de PGE disent craindre de ne pas pouvoir rembourser ces prêts (pourcentage stable depuis les premières estimations menées en 2021).
III. Analyse du taux de défaillance
La démographie des entreprises est très dynamique, y compris pour les sociétés
Les défaillances constituent un maillon de la démographie des entreprises, laquelle est très dynamique depuis plusieurs années. En 2024, on dénombre 5,9 millions d’entreprises en France. Ce nombre d’entreprise croît de près de 5 % en moyenne par an au cours des 5 dernières années, rythme supérieur d’un point de pourcentage à celui enregistré sur les 5 années précédentes. Les entreprises individuelles représentent un peu plus de la moitié des entreprises totales (54 %), proportion en légère hausse au cours du temps.
En dix ans, le nombre de créations d’entreprises a doublé, tout comme le nombre de cessations. En 2024, un peu plus de 1,1 million d’entreprises ont été créées. Le taux de créations s’élève ainsi à 19 %. Stable sur les 5 dernières années, il est nettement plus élevé pour les entreprises individuelles que pour les sociétés (26 % contre 11 %). Dans le même temps, près de 0,9 million d’entreprises ont cessé leurs activités. Le taux de cessations, de 15 %, progresse d’année en année et demeure près de trois fois supérieur pour les entreprises individuelles que pour les sociétés (22 % contre 7 %). En creux, la durée de vie moyenne s’établirait ainsi à 4,6 ans pour les entreprises individuelles et à 13,6 ans pour les sociétés.
La croissance du nombre d’entreprises (+48 % sur les cinq dernières années) est ainsi largement supérieure à celle d’autres grandeurs de l’économie française en volume, telles la valeur ajoutée (+13 %) ou l’emploi (+11 %). Cette croissance du nombre d’entreprises est principalement portée par les microentreprises (+65 % pour celles qui n’ont pas de salariés), alors qu’elle est trois fois inférieure pour les entreprises de 50 salariés et plus (+22 %).
Le taux de défaillances reste bas… sauf pour les entreprises de taille moyenne ou intermédiaire !
La connaissance du nombre d’entreprises offre la possibilité d’établir une fréquence de défaillances. Cette dernière s’établit à 1,1 % en 2025, un niveau bas identique à celui de 2024 et de 2019 ! La hausse du taux de défaillances des entreprises depuis le point bas à 0,5 % en 2021 est concomitante à une conjoncture dégradée avec une croissance du PIB inférieure à son potentiel et à un effet rattrapage des celles qui ont été suspendues pendant la période covid.
Par taille d’entreprises, cette analyse du taux de défaillances permet de tirer trois enseignements :
D’abord, le taux de défaillances des entreprises sans salarié baisse tendanciellement du fait principalement du dynamisme du nombre d’entreprises créées : 0,7 % en 2025 contre 1,2 % en 2015 ;
Ensuite, plus l’entreprise est grande en termes de nombre de salariés, plus le taux de défaillances diminue : 1,4 % pour les entreprises de taille moyenne ou intermédiaire (50 salariés et plus) contre 2,3 % pour les petites entreprises (de 10 à 49 salariés) ;
Enfin, le rebond des défaillances post-covid est plus marqué pour les petites entreprises (10 à 49 salariés) et surtout pour les entreprises de taille moyenne ou intermédiaire (50 salariés et plus).
Les moindres défaillances observées au cours des années Covid ont-elles été rattrapées par les hausses enregistrées durant les années suivantes ? Pour les microentreprises, ce n’est pas le cas. Avec un écart de 2,6 points de pourcentage, le taux de défaillances reste significativement inférieur à ce qu’il serait sans cette période exceptionnelle. Pour les PME et les ETI, c’est le cas, le rattrapage étant presque intégral. Dans un futur proche, le taux de défaillances devrait poursuivre sa hausse.
Les disparités territoriales sont légion et certains territoires cumulent les vulnérabilités avec des niveaux de défaillances élevés, et en hausse
En 2025, le taux de défaillances des PME-ETI s’établit à 2,1 % au niveau national. Certains territoires sont en-deçà : la Basse-Normandie (1,2 %), la Franche-Comté, la Bretagne (1,5 %), l’Alsace et les Pays-de-la-Loire (1,6 %). D’autres sont au-delà, les départements d’Outre-Mer (entre 2,6 % et 4,0 %) et l’Île-de-France à 2,7 %.
Entre 2019 et 2025, les évolutions sont particulièrement hétérogènes aussi. Au niveau national, le taux de défaillances des PME-ETI a cru de +0,7 point de pourcentage (pp). Pour certains territoires, il n’a presque pas évolué : le Limousin (−0,2 pp), la Basse-Normandie (stable), la Bourgogne, la Réunion et le Centre-Val de Loire (au plus +0,2 pp). D’autres territoires font toutefois face à des hausses importantes du taux de défaillances : Martinique, Poitou-Charentes et Guadeloupe (entre +1,5 pp et +1,7 pp sur la période).
Toute utilisation de ces données doit s’accompagner de la mention « BPCE L’Observatoire ».
*A partir des données extraites et retraitées par nos économistes, BPCE L’Observatoire est aujourd’hui en mesure de fournir une analyse statistique et économique très détaillée des défaillances d’entreprises.
BPCE L’Observatoire recouvre l’ensemble des publications et des études réalisées par les économistes et les experts métiers du Groupe BPCE sur les sujets d’économie et de société, en lien avec nos activités de banquier et d’assureur. Tout au long de l’année, de nombreuses thématiques sont traitées : immobilier, épargne, entreprise, assurance, paiement, santé, sport, etc.
Expert
José Bardaji
Directeur Etudes et Prospective du Groupe BPCE
José Bardaji débute sa carrière en 1998 en tant que chargé d’études au département des politiques d’emploi de la Dares (Ministère du Travail). En 2001, il intèg
Contact Presse
Marine Robin
Attachée de presse Banque Populaire - Caisse d'Epargne
Voir les informations de contact