Les Rendez-vous de l'Immobilier de BPCE L'Observatoire – Bilan 2025 et perspectives 2026 _ Les Français et le marché locatif privé
Par José Bardaji, directeur Études et Prospective
Bertrand Cartier, économiste
Isabelle Friquet-Lepage, responsable de projets et études immobilières
Marion Stephan, responsable des études socio-économiques
I. Quels impacts des crises sur les projets immobiliers des Français ?
Les conditions du marché en 2025 ont favorisé davantage de projets immobiliers qu’en 2024, sans déraison sur les niveaux de prix acceptables tant de la part des vendeurs que des acheteurs. Leur choix s’est principalement orienté vers le marché de l’ancien dont l’offre se reconstitue lentement. La prédominance croissante des volumes de transactions en province plutôt qu’en Île-de-France s’est encore confirmée depuis le début de l’année, se traduisant par des tendances équivalentes sur les prix. N’en reste pas moins des dynamiques contrastées, entre reprises amoindries pour certains marchés, lueur pour d’autres et difficultés persistantes pour les dernières.
Le marché de l’ancien a bien repris quelques couleurs pâles depuis le point bas atteint à l’automne 2024. Les transactions se sont toutefois légèrement infléchies à partir du mois de mai, vraisemblablement du fait d’un environnement politique et budgétaire incertain et de la hausse des droits de mutation à titre onéreux. Malgré la reprise de l’activité, l’évolution des prix sur les six derniers mois évoque un marché où les tensions entre l’offre et la demande sont modérées. Si sur une perspective longue, la correction est bien derrière nous, sur un an, la reprise est mesurée, plus vive en province et pour les appartements qu’elle ne l’est en Île-de-France ou pour les maisons. Pour autant, la situation s’améliore avec des prix à la hausse sur près de deux marchés sur trois contre la moitié d’entre eux il y a six mois.
Le marché du neuf rebondit depuis quelques mois. La reprise des autorisations de logements est assez vive (+28 % d’avril à septembre sur un an) et les mises en chantier suivent, mais à un rythme plus mesuré (+9 %). Pour autant, les volumes restent encore à des niveaux très bas. Par type de destination, l’accession et le locatif intermédiaire sont les moteurs de cette reprise (+13 % et +9 % respectivement). Par sous-marché, deux situations dissemblables coexistent :
- la promotion immobilière pourrait inscrire un plus bas historique pour la 3e année consécutive, à un niveau encore près de 30 % inférieur à celui qui prévalait sur la période 2018-2022. La demande des particuliers recule pour la 4e année de suite. Au niveau des territoires, les dynamiques opposées des transactions et des prix signalent une déconnexion entre l’offre et la demande ;
- la production de logements individuels purs connait une nette reprise sur les 6 derniers mois (+20 % par rapport aux six mois précédents), bénéficiant de l’élargissement du prêt à taux zéro depuis le 1er avril 2025.
II. Les marchés immobiliers s’orientent-ils vers une accentuation du découplage entre le neuf et l’ancien en 2026 ?
La stabilité actuelle des taux d’intérêt pourrait laisser place à une légère hausse d’ici la fin de l’année, qui se poursuivrait en 2026. Les Français, conscients de l’environnement économique et financier dégradé, sont désormais plus nombreux à considérer comme acceptable un taux d’intérêt supérieur à 3 %. Par ailleurs, avec la stabilisation des taux directeurs et la finalisation de l’ajustement de la taille de son bilan, la politique monétaire de la BCE ne ferait plus pression à la baisse sur les coûts de financement à cet horizon. Dans ce contexte, la remontée de l’OAT à 10 ans se répercuterait en partie sur le taux des crédits à l’habitat, en raison de la structure de la production plus en faveur des primo-accédants. Cette configuration atypique devrait perdurer l’année prochaine pour porter le taux d’intérêt des nouveaux crédits à l’habitat à 3,35 % en moyenne.
Les ventes de logement suivraient des trajectoires variées. Depuis début 2024, les acheteurs estiment le moment un peu moins défavorable pour acheter que les vendeurs pour vendre. En parallèle, le mouvement de reprise des transactions au bénéfice de l’ancien repose sur un recours légèrement accru au crédit. Pour 2026, l’environnement budgétaire et financier dégradé (hausse des taux conjuguée à celle du chômage) devrait peser sur l’activité immobilière, en particulier sur le marché de l’ancien. La reprise des ventes de logements neufs serait visible uniquement sur le segment de la maison individuelle pure, tout en demeurant mesurée au regard des volumes enregistrés avant 2023. Sans dispositif de soutien à l’investissement locatif, les ventes issues de la promotion immobilière resteraient à leur niveau plancher actuel.
Dans ce contexte de léger recul des transactions et d’incertitudes fortes qui entament la confiance des Français, la dynamique des prix dans l’ancien serait comprimée : +0,7 % en 2026 après +1,0 % en 2025. Les perspectives de hausse de prix restent d’ailleurs limitées dans l’opinion des acheteurs comme dans celle des vendeurs.
S’agissant du recours au crédit immobilier, la production nouvelle s’est stabilisée au cours des derniers mois. Parmi celle-ci, les primo-accédants représentent la composante la plus importante et la plus dynamique. Ainsi, en 2025, le marché du crédit a rebondi plus fortement sur l’année que les variables immobilières (prix et transactions) : +29 %. En 2026, l’élan moins porteur du contexte budgétaire et financier devrait impacter négativement les décisions d’achat de logements des ménages et, en corollaire, le recours au crédit qui s’inscrirait en légère baisse.
III. Le bailleur privé, quelles différences depuis trois ans ?
Si, depuis 2022, le profil des investisseurs a peu changé, l’environnement réglementaire, budgétaire et financier pour réaliser un investissement locatif s’est nettement dégradé. Cette population représente 11 % des Français âgés de 18 ans et plus. Ils sont plus urbains, plus aisés, vivent plus souvent en couple et sont propriétaires de leur logement sans crédit en cours (53 % vs 35 % des Français).
Qu’en est-il des Français qui ne sont pas bailleurs privés aujourd’hui mais intéressés à le devenir ? Ils représentent 23 % des Français en 2025 (-1 point par rapport à 2022). La part des 30-49 ans a sensiblement augmenté au sein de cette population, passant de 39 % en 2022 à 45 % en 2025. S’ils sont le plus souvent cadres ou artisans (41 %), la part des ouvriers/employés désireux d’investir dans l’immobilier locatif a augmenté (38 % vs 33 % en 2022).
Interrogés à trois ans d’intervalle, quatre faits saillants sont à signaler :
Fait n°1 : la nature et la stratégie d’investissement évoluent. Les bailleurs privés sont plus nombreux qu’en 2022 à être multi-détenteurs (41 % vs 38 %). Ils indiquent détenir plus d’appartements qu’en 2022 (70 % vs 64 %) et louent globalement depuis plus longtemps (32 % déclarent louer leur bien immobilier depuis plus de 10 ans vs 24 % en 2022). La location vide ou nue (56 %) demeure le principal mode de location (-3 points vs 2022) au profit de la location meublée (30 %) ou saisonnière (14 %, +2 points vs 2022).
Fait n°2 : les bailleurs privés sont désormais plus nombreux à vouloir se désengager qu’à investir (25 % contre 23 % respectivement), d’abord en raison de la lourdeur de la fiscalité. En 2022, 30 % souhaitaient continuer à investir contre 18 % qui envisageaient de se désengager.
Certains profils de bailleurs privés se distinguent, notamment selon leur stratégie à 5 ans :
- Les 65 ans et plus expriment une propension plus forte à vouloir maintenir en l’état leur investissement locatif (56 % vs 40 % de l’ensemble des bailleurs privés) ;
- Les 75 ans et plus comptent plus souvent se désengager (36 % vs 25 % de l’ensemble des bailleurs privés).
Outre la lourdeur de la fiscalité sur les loyers (32 %), d’autres motifs de désengagement sont mis en avant par les bailleurs, tels la lourdeur de la gestion des biens (25 %) et la nécessité de réaliser des travaux en raison de la classe énergétique (20 %).
Fait n°3 : pour 45 % des bailleurs privés, la rentabilité locative constitue le critère décisif, loin devant les autres critères alors même qu’elle a un peu reculé dans la hiérarchie des motivations depuis 3 ans (−5 points). En parallèle, la constitution d’un complément de revenu à la retraite augmente (+5 points), ainsi que la possibilité d’avoir un bien à transmettre à un enfant ou à un proche (+7 points). Parmi les freins à mener une opération en immobilier locatif, viennent en tête les difficultés auxquelles un bailleur pourrait être confronté avec un locataire (52 %) devant l’augmentation de la fiscalité (41 %) ou le financement de travaux (33 %). Sur trois ans, les propriétaires sont plus nombreux à signaler des craintes sur la possibilité de louer en raison des normes DPE (+4 points à 21 %).
Fait n°4 : l’expression de certaines de ces craintes pourrait expliquer une progression de la gestion confiée à un professionnel par un propriétaire bailleur sur deux en 2025 (+9 points par rapport à 2022). En outre, les bailleurs signalent un recul des difficultés à trouver des locataires sur cette période, ainsi qu’une baisse des dégradations importantes sur le logement loué (−4 à −5 points depuis 2022).
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Expert
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José Bardaji
Directeur Etudes et Prospective du Groupe BPCE