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Les Rendez-vous de l'Immobilier de BPCE L'Observatoire - Bilan et perspectives de l’immobilier résidentiel en France

21 mai 2025

Par José Bardaji, directeur Études et Prospective du Groupe BPCE,
Bertrand Cartier, économiste du Groupe BPCE,
Isabelle Friquet Lepage, responsable de projets et études immobilières du Groupe BPCE,
et Marion Stephan, responsable des études socio-économiques du Groupe BPCE.

I.          Comment réagissent les Français face à l’instabilité du contexte actuel ?

Au cours des derniers mois, l’évolution de l’environnement macroéconomique et financier a permis, malgré un contexte politique tendu en France et la multiplication des facteurs d’incertitudes sur le plan international, d’ouvrir quelques perspectives aux marchés résidentiels. Loin de tout enthousiasme irréfléchi, les Français prennent le temps d’intégrer les nouveaux déterminants du marché et adoptent des comportements prudents, modérés le plus souvent par leur capacité à se lancer dans des projets immobiliers qui les engagent sur la durée.

Sur le marché de l’ancien, le creux des transactions de logements semble dépassé. Après le niveau plancher atteint en octobre 2024, les ventes de logements ont repris. À la faveur d’un rebond du marché du crédit à l’habitat encouragé par la détente des taux d’intérêt depuis janvier 2024, l’amélioration récente du marché du logement ancien s’apparente, pour l’heure, à une accalmie après la chute sévère entamée en 2022. Début 2025, les indicateurs situent le volume des transactions à un bas niveau, comparé à celui de la dernière décennie, avec un taux de ventes pour 1 000 habitants (11,8 ‰) qui, s’il reste modéré sur longue période, ressort néanmoins supérieur à ceux observés lors des précédentes crises de 2009 et 2014.

Sous l’impact de la contraction d’activité, suivant un rythme différent selon les secteurs et avec des amplitudes variées, les corrections à la baisse des prix des logements ont gagné tous les marchés français entre 2021 et 2024, des plus tendus aux moins attractifs. Toutefois, la mesure moyenne annuelle des prix, qui indique une poursuite atténuée des baisses au terme du dernier trimestre 2024, reflète imparfaitement la diversité des marchés tout comme les tendances qui se dessinent plus récemment. Ainsi, un apaisement des tensions, voire un retournement de tendance sur certains marchés semble émerger comme l’illustre la quasi-stabilité de l’indice trimestriel des prix des logements anciens sur le plan national au 4e trimestre comparé au 3e trimestre 2024 (+0,1 %).

À fin mars 2025, une réorientation des prix à la hausse peut même être observée sur près de la moitié des grandes villes françaises, tant sur le marché des appartements (récents et anciens de trois pièces) que sur celui des maisons individuelles (récentes et anciennes de quatre et cinq pièces). Un des enseignements de cette crise immobilière dont le marché français n’est peut-être pas encore complètement sorti, pourrait être la capacité de résistance des marchés régionaux. De même, les forces contraires, opérées entre acheteurs et vendeurs, mieux informés aujourd’hui sur la qualité des logements ou les tendances de marché grâce à l’amélioration de l’accès à l’information (prix de ventes effectivement réalisées, classe énergétique, offre immobilière accessible en ligne…) par rapport aux précédentes crises des années 1990 ou du début des années 2000, ont peut-être permis d’exercer un effet modérateur sur les mouvements de marché. Le contexte macroéconomique, en particulier la situation inflationniste exceptionnelle et brutale entre 2022 et 2024, a également participé à la retenue apparente des baisses des prix des logements.

L’activité immobilière dans le secteur du neuf connaît, en revanche, une situation encore critique aujourd’hui, étroitement liée à des conditions de construction des logements inscrites dans un cycle structurellement long et détérioré par des circonstances conjoncturelles défavorables depuis 2020, et plus encore depuis 2022 avec l’ajout de fortes contraintes dans la chaîne de production. Ces difficultés sont parfaitement illustrées par les niveaux de construction atteints en termes de mises en chantier ou d’autorisations de construire qui, même si une très récente amélioration se dessine, demeurent historiquement bas. Ce sont tous les segments de marché qui sont concernés, tant la production de logements destinés à l’accession que ceux dédiés à la location qu’elle soit à vocation sociale, intermédiaire ou libre. Un des secteurs les plus affectés par cette crise de la construction est celui du logement individuel en secteur diffus (hors lotissements) dont la part a fondu à 23 % aujourd’hui contre 53 % au début des années 2000.

L’élargissement à compter d’avril 2025 du dispositif de Prêt à Taux Zéro (PTZ) à l’ensemble du territoire national et à tous les types de logement neufs, collectifs comme individuels, pourrait contribuer à stimuler le marché du neuf. Il pourrait redonner un peu de souffle, à la fois au secteur de la promotion immobilière et au secteur de la maison individuelle.

La 19e vague du baromètre BPCE L’Observatoire-Audirep réalisée en février 2025 fait part d’une indécision des Français à propos des projets immobiliers à un niveau jamais observé par le passé. Dans cette enquête, les Français expriment leur incertitude face à l’opportunité d’acheter ou de vendre un logement (moins d’un Français sur cinq pensent que le moment est favorable) alors que la conjoncture alimente de nombreuses inquiétudes, aussi bien interne (hausse du chômage, hausse des impôts, niveau de leur future retraite…) qu’externe (tensions commerciales et géopolitiques). Le contexte actuel les place dans l’inconfort pour prendre la décision d’investir en immobilier, qui constitue souvent le projet d’une vie, alors même qu’ils sont encore 17 % à anticiper des baisses de prix et que près d’un tiers (30 %) les voit se stabiliser dans les 12 mois à venir. Alors que 51 % des Français ayant le projet de vendre un logement à court terme expriment des craintes sur le délai de vente et que 47 % anticipent une décote[1], le fait le plus marquant est l’attitude qu’ils adopteraient en cas de difficulté à vendre : 57 % préfèreraient attendre ou reporter ce projet pour en tirer un bon prix, soit 9 points de pourcentage de plus en un an. Les opinions qu’affichent les Français en ce début d’année indiquent qu’ils ont assimilé les corrections de prix et qu’ils favorisent un attentisme prudent.
 

II.         Après des années de baisse, une reprise poussive en 2025 ?

Le potentiel de baisse des taux d’intérêt pour les nouveaux crédits à l’habitat est contraint. Depuis le pic atteint en janvier 2024 à 4,17 %[2], le taux d’intérêt des nouveaux crédits à l’habitat décroit jusqu’à atteindre 3,20 % en mars 2025. En parallèle, les Français interrogés sur le niveau attendu des taux d’intérêt des crédits immobiliers sur les 12 prochains mois revoient leurs anticipations. Lors de la 19e vague du baromètre, plus d’un tiers des Français envisageaient un atterrissage possible des taux d’intérêt sous le seuil des 3 %. La moindre baisse des taux sur les trois derniers mois a cependant pu les décevoir.

Cette baisse des taux d’intérêt des nouveaux crédits s’est en effet déroulée dans un contexte de pressions fortes impactant le taux d’emprunt de l’État Français à la hausse. À 3,0 % en moyenne au 4e trimestre 2024, le taux d’intérêt de l’OAT à 10 ans est remonté courant 2025 pour tutoyer les 3,5 % en mars. La politique monétaire de la Banque Centrale Européenne de baisse des taux directeurs et de poursuite de la réduction de la taille de son bilan vient surtout alimenter la repentification de la courbe des taux. L’OAT à 10 ans représentant historiquement un seuil plancher pour les taux d’intérêt des nouveaux crédits à l’habitat, le niveau de ces derniers ne devrait pas fortement s’en éloigner. Toutefois, l’accent mis sur la primo-accession dans la production de crédits, tant de la part du Gouvernement via l’élargissement du PTZ que des établissements prêteurs via des prêts spécifiques aux primo-accédants et aux jeunes, tirerait légèrement vers le bas la moyenne des taux. Au total, le taux moyen des nouveaux crédits à l’habitat pourrait s’établir en fin d’année à 3,2 %, un niveau très proche de l’OAT.

Le dynamisme des transactions immobilières se trouve quelque peu limité. Rappelons qu’en France, 8 opérations immobilières sur 10 sont financées à crédit, faisant des taux d’intérêt une variable clé dans la décision d’acheter un logement. D’ailleurs, un peu plus d’un Français sur deux déclare qu’une évolution du taux d’intérêt de 50 points de base aurait un impact très significatif sur leur projet d’achat (report voire renoncement en cas de hausse / avancement voire réalisation en cas de baisse). Dans le même temps, près de 9 Français sur 10 se déclarent toujours inquiets vis-à-vis des perspectives économiques. Dans ce contexte, les intentions d’achat de logement à horizon 1 an diminuent sensiblement, tout comme les intentions de vente de logement. Cette dégradation des intentions, concentrée sur les résidences principales, intervient malgré l’amélioration du pouvoir d’achat immobilier des ménages.

Au total, les volumes de transactions sur l’ensemble de l’année 2025 enregistreraient une hausse contenue, de +3,3 % à 959 000 ventes totales. Les transactions de logements anciens (815 000, représentant 85 % du total) verraient leur croissance limitée, dans cette période d’incertitude pour les ménages, potentiellement contrariés par la hausse des droits de mutation dans certains départements. Par ailleurs, les mesures prises par le gouvernement dans le cadre du budget 2025 pour soutenir le segment des logements neufs pourraient bénéficier principalement aux maisons individuelles construites en zone diffuse, et soutenir une reprise lente du secteur de la promotion.

Les pressions sur les prix des logements demeurent légères et hétérogènes. La période de correction des prix des logements anciens a débuté à Paris pour s’étendre à l’Ile-de-France et aux grandes villes régionales pour in fine toucher plus largement les régions françaises. En termes nominaux, le recul a été assez faible dans les régions hors Ile-de-France. Il a été plus marqué en Ile-de-France et dans les grandes villes qui avaient connu ces dernières années les taux de croissance les plus élevés. Les données d’avant-contrat déclarées par les Notaires de France et ceux du Grand Paris signalent une hausse progressive des prix immobiliers sur la première partie de l’année 2025 (+0,4 % sur un an à fin mai 2025 pour la France).

Cette reprise des prix peut étonner au regard de la durée courte de la période de crise et de l’intensité de la hausse des taux d’intérêt pour les nouveaux crédits immobiliers (+310 points de base entre janvier 2022 et janvier 2024). D’après le Baromètre BPCE L’Observatoire-Audirep, la part des Français qui pensent que les prix immobiliers vont continuer de croître continue de progresser lentement. De plus, si la baisse des prix nominaux semble réduite sur les deux dernières années (−6 % entre le point haut du T4-2022 et le point bas du T3-2024), elle a pris place dans un contexte où l’inflation a été au plus haut sur les 40 dernières années et où le revenu disponible brut des ménages a augmenté. Ainsi, en valeur réelle (prix nominaux corrigés de l’inflation), la baisse des prix en France sur la période a été beaucoup plus marquée, de l’ordre de −13 %, supérieure au recul des prix enregistré au moment de la grande récession ou lors de la crise des dettes souveraines en zone euro. Si la reprise des transactions immobilières constitue une étape préalable à une hausse des prix, le cumul des freins touchant tant l’offre que la demande viendrait tempérer le prix des logements. Fin 2025, les prix immobiliers pourraient croître d’un peu plus de 1 % sur un an, masquant une hétérogénéité selon les territoires et le type de logements vendus.

La production de crédits à l’habitat afficherait un rebond plus net, retrouvant son niveau de 2023. La reprise de la production de crédits à l’habitat a débuté mi-2024 après avoir atteint un point bas sur les 10 dernières années en mars 2024 à 7,7 Md€ (hors crédits rachetés et renégociés). Au-delà de la diminution du nombre de transactions, la forte réduction du recours au crédit tant en termes de nombre de transactions adossées à un crédit immobilier qu’en termes de montant emprunté par opération immobilière financée est à l’origine de la baisse plus marquée de l’activité de crédit par rapport à l’activité du marché. Le phénomène inverse est désormais à l’œuvre. Les établissements prêteurs anticipent sur la 1ère partie de l’année 2025 une augmentation du nombre de demandes de crédit à l’habitat. Le recours au crédit pour financer un achat de logement repartirait à la hausse et reviendrait vers la moyenne de long terme (80 %). En lien avec cette normalisation, les légères progressions des prix et des transactions se traduiraient ainsi de manière plus marquée sur le crédit, avec une progression de +16 % par rapport à 2024. Les montants de nouveaux crédits en 2025 retrouveraient des volumes proches de l’année 2023, autour de 140 Md€ tandis que le montant des crédits renégociés et rachetés afficherait une légère hausse sur un an, à 30 Md€, du fait de taux légèrement plus bas.

Cette période est aussi marquée par une évolution du profil des emprunteurs. Le nombre de logements achetés à crédit par des primo-accédants a continué de progresser depuis 2015 pour dépasser depuis 2022 le nombre d’opérations de secundo-accédants. Avec un poids proche de 44 % dans le total des transactions financées à crédit, les financements aux primo-accédants arrivent désormais en première position. Dans le même temps, le nombre d’achats de logements à crédit par des secundo accédants a très sensiblement diminué au profit des achats au comptant.
 

III.        La primo-accession, quel soutien pour le marché immobilier ?

La 19e vague du Baromètre BPCE L’Observatoire-Audirep permet d’isoler la population des primo-accédants définie comme les personnes déclarant ne pas être propriétaire de leur résidence principale et ayant un projet d’achat dans les 12 prochains mois.

Qui sont-ils ? De 35 ans en moyenne (vs 48 ans pour l’ensemble des Français interrogés), ce sont à 54 % des femmes (vs 52 % des Français). Ils vivent un peu plus souvent en région parisienne (25 % vs. 18 % des Français interrogés) et sont en activité (78 % vs 60 %). Leur niveau de revenu tout comme leur patrimoine financier sont plus faibles. Enfin, 54 % vivent actuellement en appartement (vs. 38 %) et 52 % vivent dans un foyer d’au moins 3 personnes (vs. 45 %). Au-delà des données socio-démographiques, ils se distinguent également par leurs opinions et leurs inquiétudes croissantes au cours des dernières années : 27 % ont une opinion pessimiste vis-à-vis de l’avenir (+13 points par rapport à 2022) et deux sur trois sont préoccupés par la dette publique (+7 points) et par le niveau futur de leur retraite (+11 points).

Quel est leur projet immobilier ? Dans trois cas sur quatre, il s’agit de leur résidence principale (vs 58 % pour l’ensemble de ceux qui ont un projet d’achat). Dans 76 % des cas, ce futur logement se situerait en province (comme pour l’ensemble des acheteurs) et dans 40 % des cas dans un ville petite ou moyenne (vs 32 % des acheteurs).

Comment leur projet est-il financé ? Les primo-accédants représentent 41 % de la production de crédits nouveaux en 2024[3]. 85 % d’entre eux pensent avoir recours au crédit pour financer leur projet d’achat (vs 81 % des acheteurs). La durée moyenne de leur crédit s’établit à 23,5 ans (vs 22,2 ans) avec un taux d’apport de 18 % (vs 22 %). Les primo-accédants sont particulièrement sensibles au PTZ : en effet, pour 71 % d’entre eux, le fait de pouvoir bénéficier de ce dispositif les inciterait à réaliser leur projet d’achat de résidence principale (vs 50 %).

Quelle est leur vision du marché immobilier ? Les primo-accédants sont moins nombreux à penser que le bon moment pour acheter est d’ici un an (58 % vs 68 % des acheteurs). Leur sensibilité « verte » s’avère ambivalente : 68 % des primo-accédants (vs 78 % des acheteurs) estiment que le DPE constitue un critère qui a toujours été déterminant ou qui est devenu important ; 41 % ne souhaitent pas acheter un logement F ou G (vs 37 % des acheteurs) et enfin 68 % (vs 75 % des acheteurs) savent que depuis le 1er janvier 2025, il n’est plus possible de louer un logement classé G, considéré comme extrêmement peu performant.

Souvent par nécessité, les primo-accédants constituent une frange de la population moins sensible aux aléas de la conjoncture du marché immobilier. Par ailleurs, le marché locatif devient une alternative de plus en plus étroite, notamment en raison d’une réglementation contraignante et d’une offre qui se renouvelle insuffisamment. De ce fait, les primo-accédants continueraient à soutenir le marché immobilier, en partie aussi en raison de l’élargissement du PTZ.

Toute utilisation de ces données doit s’accompagner de la mention « BPCE L’Observatoire ».
*A partir des données extraites et retraitées par nos économistes, BPCE L’Observatoire est aujourd’hui en mesure de fournir une analyse statistique et économique très détaillée des défaillances d’entreprises.

 

1.Ils étaient 53 % et 51 % respectivement il y a un an.
2.Taux effectifs au sens étroit -TESE-, hors crédits renégociés, source : Banque de France.
3.Source ACPR, crédits aux particuliers hors crédits renégociés, rachetés ou regroupés.

BPCE L’Observatoire recouvre l’ensemble des publications et des études réalisées par les économistes et les experts métiers du Groupe BPCE sur les sujets d’économie et de société, en lien avec nos activités de banquier et d’assureur. Tout au long de l’année, de nombreuses thématiques sont traitées : immobilier, épargne, entreprise, assurance, paiement, santé, sport, etc.

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