Quatrième édition de l'étude de BPCE L'Observatoire sur l'Agriculture et la Viticulture
Par José Bardaji, directeur Études et Prospective du Groupe BPCE,
et Marion Stephan, responsable des études socio-économiques du Groupe BPCE.
BPCE L’Observatoire livre les résultats de la 4e édition de son enquête Agriculture-Viticulture, menée par téléphone auprès de 1 206 chefs d’exploitation dont 500 viticulteurs du 12 février au 18 mars 2025, en collaboration avec l’institut IFOP.
I. Situation et chiffres clés de l’agriculture : les difficultés économiques se poursuivraient en 2025, en particulier pour les viticulteurs
Première agriculture au sein de l’Union Européenne, la France enregistre une production de 89 milliards d’euros en 2024, devant l’Allemagne et l’Italie, toutes deux à 75 milliards d’euros. Depuis des décennies, le secteur fait face à un mouvement de concentration des exploitations agricoles avec une croissance de la taille moyenne des exploitations. Ce mouvement se poursuivrait dans les années à venir avec l’émergence d’un modèle d’entreprise agricole se rapprochant de logiques de PME. Ainsi 20 % des exploitants interrogés prévoient d’investir dans l’achat ou la reprise en fermage de nouvelles terres ou vignes (après 17 % en 2023) et 39 % projettent d’investir dans l’extension ou la modernisation des bâtiments dans les 2 années à venir (23 % en 2023).
Le secteur connait également une activité particulièrement cyclique, quelle que soit l’orientation. Aussi, après deux années de croissance en 2021 et 2022, la production a diminué en 2023 et plus encore en 2024. Cette dernière année reste frappée par des conditions météorologiques très défavorables en raison d’une pluviométrie excédentaire conjuguée à un déficit d’ensoleillement. En recul de 7,5 %, la production agricole aurait même coûté 0,2 point de croissance à l’économie française en 2024. Par produit, la chute est particulièrement forte pour les fourrages (−24,3 %), le vin (−21,7 %) et les céréales (−20,4 %).
C’est dans ce contexte que plus de 1 200 chefs d’exploitation ont pris part à la 4e édition de l’enquête Agriculture-Viticulture de BPCE L’Observatoire. Les perspectives pour l’année 2025 restent moroses. S’agissant du chiffre d’affaires, 37 % des exploitants pensent qu’il va diminuer contre 17 % qui estiment qu’il va augmenter. S’agissant de la rentabilité, le différentiel est encore plus marqué : 44 % pensent qu’elle va diminuer contre seulement 11 % qui envisagent une hausse. Les viticulteurs sont encore plus pessimistes : 53 % pensent que leur chiffre d’affaires va diminuer et 62 % envisagent une dégradation de leur rentabilité, avant même l'annonce de l'augmentation des droits de douane par les États-Unis.
II. Défis et préoccupations des exploitants : la santé se hisse en 3e position après la cession-transmission et le besoin de trésorerie
Les préoccupations majeures des exploitants interrogés se concentrent toujours sur la préparation de la cession / transmission ou la retraite (28 %) et le financement du besoin de trésorerie (19 %), suivie par l’amélioration de leur protection santé qui se place en troisième position (16 %).
En toile de fond, le renouvellement constitue un enjeu massif pour une population âgée de 53 ans en moyenne : la moitié des exploitants pourraient partir à la retraite d’ici 10 ans et pour près de 6 exploitants sur 10 âgés de 55 ans ou plus, la reprise n’est pas assurée. Cette proportion est encore très élevée pour les 65 ans et plus (46 %).
Un tiers des exploitants prévoient de ne plus travailler dans 5 ans. Parmi ceux-ci, la retraite constitue sans surprise le principal facteur de cessation d’activité, toutefois en net recul par rapport à l’édition précédente (76 % contre 87 % en 2023). En revanche, les difficultés économiques émergent et se placent en 2e position avec 10 % des exploitants qui avancent ce facteur explicatif de cessation d’activité, soit un doublement par rapport à 2023.
Face au changement climatique, les inquiétudes sont bien ancrées : 66 % des exploitants anticipent un impact sur leur production. Ce taux s’élève à 77 % pour les viticulteurs. En particulier, les impacts opérationnels croissent. Près de la moitié des agriculteurs et deux tiers des viticulteurs disent avoir modifié un ou plusieurs facteurs de pilotage de leur exploitation en conséquence. Les exploitations engagées dans une démarche agroécologique et/ou celles dont la totalité ou une partie de la production est en bio ont effectué davantage de changements.
Les problématiques liées à l’eau ont un impact significatif sur l’activité des exploitations. Ainsi, 44 % des exploitants ont eu des restrictions d’eau au cours des 5 dernières années, 19 % utilisent un système d’irrigation et 45 % pensent que leur exploitation sera concernée par des mesures de restriction d’eau d’ici 5 ans.
III. Tendances de diversification : conservation des sols et certification environnementale sont les deux activités qui ont le plus fortement progressé
L’engagement des exploitants dans une démarche agroécologique progresse sensiblement, passant de 49 % en 2023 à 57 % en 2025. Les viticulteurs et les maraîchers (fruits-légumes-fleurs) sont aujourd’hui les plus engagés dans une démarche agroécologique (respectivement 77 % et 74 %). Pour les premiers, c’est aussi une hausse de 12 points de pourcentage en deux ans.
La diversification se maintient avec la mise en place d’une agriculture de conservation des sols qui reste l’activité la plus fréquemment pratiquée et en nette progression (50 % le font déjà, soit une hausse de +15 points en deux ans), suivie par la certification environnementale (32 % le font déjà, +8 points).
La production d’énergie solaire constitue l’activité la plus fréquemment envisagée à l’avenir (28 %). Cette production d’énergie solaire intéresse plus souvent les grandes exploitations (44 %) − avec une prédominance de l’élevage (hors bovin) et de la polyculture-élevage. Comme en 2023, les grandes cultures et la viticulture sont en retrait.
La production sous label est déjà pratiquée par 24 % des exploitants, en particulier par les viticulteurs (41 %), les maraîchers (37 %) et les éleveurs bovins (28 %).
La production bio se maintient (14 % des exploitants, +1 point par rapport à 2023). L’élevage hors bovins, la viticulture et les cultures maraîchères produisent plus largement en bio (respectivement 28 %, 26 % et 18 %, du moins en partie).
Les principales techniques d’adaptation mises en place sont les cultures moins consommatrices d’eau (38 %), l’installation de capteurs météorologiques (30 %), les réservoirs récupérateurs d’eau de pluie (29 %) et la ventilation naturelle (28 %). Du côté des viticulteurs, l’enherbement contrôlé (78 %), la gestion de la canopée (60 %) et l’installation de capteurs météorologiques (53 %) forment le top 3 des techniques le plus souvent mises en place pour s’adapter aux effets du changement climatique.
Une typologie a permis d’identifier 5 groupes d’exploitants agricoles selon leurs comportements, attitudes et opinions vis-à-vis des enjeux climatiques.
- Les détachés (19 %) : peu exposés, peu engagés et peu inquiets. âgés et peu impliqués dans l’innovation ou l’adaptation. Situés principalement dans le Nord-Ouest, ils gèrent de petites exploitations à faible potentiel économique. Rejetant massivement les démarches environnementales, ils n’expriment ni besoin d’adaptation, ni inquiétude vis-à-vis du climat ou des restrictions d’eau. Ils n’ont pas de projet de reprise ni de dynamique de changement.
- Les confiants (19 %) : peu exposés, engagés et peu inquiets. Très engagés dans l’agroécologie, avec des pratiques avancées. Ils se distinguent par une confiance très marquée : peu d’inquiétudes climatiques, aucune crainte face aux restrictions d’eau ni aucune anticipation du risque. Pour autant, ils ne revendiquent pas de dynamique forte de croissance ou d’investissement et ne cherchent pas d’appui spécifique.
- Les passifs (16 %) : très exposés mais peu inquiets. Actuellement soumis à des restrictions d’eau, mais ne s’en inquiètent pas à long terme. Ils se caractérisent par un niveau d’inquiétude climatique faible et peu d’adaptations concrètes réalisées. Ils sont moins demandeurs d’accompagnement, notamment sur les sujets stratégiques (retraite, investissements). Ce sont des exploitants plutôt installés récemment, qui semblent vouloir poursuivre leur activité sans transformation majeure, misant sur la stabilité.
- Les anticipateurs (18 %) : peu exposés mais très inquiets. Ils ont une conscience environnementale et climatique particulièrement élevée, bien qu’ils ne soient pas encore directement impactés aujourd’hui. Ce sont des exploitants relativement jeunes ou installés récemment, dans une logique de préparation à long terme (transmission, adaptation, modernisation). Ils sont proactifs dans leurs stratégies mais prudents dans leurs actes immédiats, privilégiant l’anticipation aux réactions à chaud.
- Les engagés (27 %) : très exposés et très inquiets. Des exploitants plus jeunes, engagés dans une transition agroécologique avancée, très concernés par le changement climatique et les restrictions d’eau. Ils ont déjà adapté leurs pratiques (cultures, énergie, irrigation…) et mettent en place des stratégies concrètes de résilience. Plus investis dans les démarches collectives (certifications, projets à plusieurs), ils affichent une dynamique proactive, ouverte à l’innovation et aux ajustements.
IV. Besoins d’accompagnement agroécologique : en nette progression sur toutes les dimensions
À la question sur leur niveau d’information sur les dispositifs d’aide et d’accompagnement à la transition énergique, 66 % s'estiment bien informés. Dans le détail, ce pourcentage masque un niveau d’information moins flatteur car seuls 11 % évaluent avoir un très bon ou un excellent niveau d’information et plus d’un tiers (34 %) reconnaissent que leur niveau d’information est mauvais (12 % très mauvais et 22 % plutôt mauvais). Près de 9 exploitants sur 10 expriment un déficit d’information sur les dispositifs d’aide et d’accompagnement à la transition énergique est signalé.
Pour s’engager davantage dans une démarche agroécologique, les exploitants interrogés expriment des attentes plus importantes qu’en 2023, en particulier recourir à des investissements en matériel (33 % contre 27 % en 2023), acquérir davantage de connaissances (30 % contre 25 %) et recevoir de l’aide technique (29 % contre 22 %). Au global, seuls 17 % des exploitants expriment n’avoir pas de besoin spécifique sur le sujet, taux en baisse de 10 points de pourcentage en deux ans.
C’est dans ce contexte que le groupe BPCE à travers ses réseaux Banque Populaire et Caisse d’Épargne accompagne le développement des exploitants agricoles et viticulteurs sur l’ensemble du territoire depuis plus de 30 ans.
Toute utilisation de ces données doit s’accompagner de la mention « BPCE L’Observatoire ».
*A partir des données extraites et retraitées par nos économistes, BPCE L’Observatoire est aujourd’hui en mesure de fournir une analyse statistique et économique très détaillée des défaillances d’entreprises.
BPCE L’Observatoire recouvre l’ensemble des publications et des études réalisées par les économistes et les experts métiers du Groupe BPCE sur les sujets d’économie et de société, en lien avec nos activités de banquier et d’assureur. Tout au long de l’année, de nombreuses thématiques sont traitées : immobilier, épargne, entreprise, assurance, paiement, santé, sport, etc.
Expert
José Bardaji
Directeur Etudes et Prospective du Groupe BPCE
José Bardaji débute sa carrière en 1998 en tant que chargé d’études au département des politiques d’emploi de la Dares (Ministère du Travail). En 2001, il intèg
Contact Presse
Marine Robin
Attachée de presse Banque Populaire - Caisse d'Epargne
Voir les informations de contact